Une image, une histoire # 28 2018
Le rendez-vous de Lakévio !
une image :
Tracey Sylvester Harris
"Ah ! qui n'a pas eu envie d'un pastis après un bain de mer pris en Méditerranée ne sait pas ce qu'est un bain de mer pris le matin en Méditerranée."
C'est Marguerite Duras qui nous le dit, dans Le marin de Gibraltar (1952).
un texte :
"Ah ! qui n'a pas eu envie d'un pastis après un bain de mer pris en Méditerranée ne sait pas ce qu'est un bain de mer pris le matin en Méditerranée."
La parole de mon mari résonne encore à mes oreilles. Il est sorti de l’eau aussitôt après, s’essuyant consciencieusement.
« Tu sors ?
- Non, pas tout de suite. »
Le pastis attendra, d’autant plus que je n’aime pas trop cela. Je préfère rester ici pour me fondre dans l’eau. Ici, tout est plus léger. Je me sens vivante, arrachée à la terre, moi qui suis si attachée au matériel. Trop, je le concède. Mais je sais pourquoi…
Toute une année à économiser pour ces semaines de villégiature. Et autant à rêver de ces instants heureux. Ici, j’en arrive même à oublier le travail qui pourtant obsède chacune des minutes de mon existence. Ce n’est pas une vie quand on y pense. On met toute son énergie dans le boulot. On y passe le plus clair de son temps. Onze mois à rêver des vacances qu’on prépare en exécutant des heures supplémentaires, en mettant de côté pour ce mois de bonheur. Une hérésie !
Devoir supporter la folie de la vie urbaine, le voisinage bruyant, les transports en commun stressant, les contraintes professionnelles… Quelle résistance a notre corps maltraité au quotidien ! Dans cette vie frénétique, j’en oublie de voir les saisons qui passent. Depuis quand n’avais-je pas regardé un arbre, tout simplement ? Depuis quand n’avais-je pas senti le souffle du vent sur mes bras ? Depuis combien de temps n’ai-je pas écouté un chant d’oiseau ? J’ai le sentiment de vivre en permanence dans un état d’anesthésie : je ne sens plus rien, je ne ressens plus rien… Suis-je encore vivante ?
Là dans l’eau, je me sens en harmonie avec moi-même. Non, je ne sors pas maintenant. Je suis trop bien ici. Je me reconnecte avec moi.
Il faut qu’on change de vie !
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