Une image, une histoire # 40 2016
Le lundi, c'est le rendez-vous de Lakévio !
Une image :
Aquarelle de Jasmine Huang
Un texte :
Chaque jour, elle se fait la réflexion d’avoir de la chance de vivre au château. Les fenêtres n’isolent pas bien et les bourrasques de vent font craindre à tout instant une catastrophe. Mais la vue sur les arbres centenaires du parc et sur l’allée majestueuse, débouchant sur la petite route communale, est unique.
Elle aime cette place, là dans la cuisine, derrière la vitre. D’ailleurs, chaque semaine elle dépose un magnifique bouquet sur la console. Elle compose une petite scène comme un peintre organise un sujet à peindre. Il y a bien longtemps que les bouquets n’envahissent plus le reste de la demeure excepté aux beaux jours quand monsieur et madame viennent y séjourner.
De cette fenêtre, elle contemple l’immense parc et l’allée surtout. Chaque jour, elle guette, elle scrute la toile naturelle qui s’offre à son regard ; toujours la même et pourtant changeante à tout instant, à qui sait observer…Parfois, elle aperçoit un chevreuil ou des écureuils. Parfois, elle se laisse surprendre par un vol de corbeaux…
Elle n’avait jamais été bonne à l’école. Dès qu’elle l’avait pu, elle était partie pour Paris car on lui avait dit qu’elle y aurait toutes les chances de trouver un emploi. On ne les comptait plus tous ces jeunes de la région qui avaient fait une heureuse carrière dans la capitale. Mais de cet épisode parisien, elle ne connut que la misère et des amours malheureuses. Elle était revenue honteuse de n’avoir pas su trouver sa place dans le tumulte de la ville.
Puis une opportunité s’était offerte à elle ; la châtelaine recherchait un homme ou une femme à tout faire, quelqu’un qui pourrait garder la demeure en l’absence des propriétaires. Elle s’était présentée, voyant là un coup du destin. Depuis, elle règne sur la propriété quand monsieur et madame ne sont pas là ; et dans la cuisine quand la demeure est investie par des hôtes.
Il reste deux pommes de terre à éplucher pour son repas. Elle lève la tête et regarde par la fenêtre ; elle aperçoit la voiture du facteur qui file sur la petite route. « Zut ! Je ne verrais personne aujourd’hui encore… »
©Véro des Rêves de Véro
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